Voilà l’été, j’aperçois le soleil, les nuages filent et le ciel s’éclaircit […]. J’exagère à peine ! La journée s’annonce bien, réveil sous le grand ciel bleu ce matin. Le départ est encore très tardif car je partage mon petit-déjeuner avec un belge fort sympathique. C’est un accordeur de piano, ancien luthier, qui a parcouru le monde à velo, un original. La discussion va bon train jusqu’à 9h, lorsque nous décidons qu’il est grand temps de commencer à rouler. Je m’élance en direction de la côte, que je dois suivre jusqu’au pont qui me mènera à Achill Island. La route est très belle, moins facile qu’il n’y paraît, entre le vent dans la poire et les lacets qui grimpent dans les collines. Je prends un premier café au Coast Coffee, ou l’on m’annonce que jusqu’à la prochaine ville, à 30 km, il n’y a plus rien. J’en prends bonne note, ainsi qu’une deuxième part de brownie. Après les incontournables photo de la côte et ses falaises, je repars pour Bangor, dans les terres. Il n’y a effectivement rien, à part de la tourbe qui sèche sur le bord de la route. Dans le village, je m’arrête pour déjeuner. Je suis toujours frappé de voir à quel point les gens se connaissent dans ces bleds. J’ai l’impression que tout le monde se tape dans le dos autour de moi. D’ailleurs je ne suis pas en reste, pas moins de trois personnes viennent m’adresser la parole pendant le court laps de temps que dure mon repas. Décidément, les irlandais sont aussi chaleureux qu’on le dit. Bon évidemment quand c’est le papy du village avec deux pintes dans le nez, je comprends un peu moins bien quel est le sujet de la conversation, mais à priori ça ne le dérange pas. En repartant, je me rends compte que mes phalanges sont très douloureuses et boursouflées. Je crois, sans en être sûr, que ce sont de méchants coups de soleil, car elle sont bien exposées, en dehors de mes mitaines. Un point supplémentaire à surveiller durant la semaine qui me reste. Sur la route, je gamberge ; voici donc un extrait de mes pérégrinations mentales. A la campagne, on ne sent pas grand chose à part l’odeur de l’herbe, parfois des petits canaux boueux qui bordent la route. Alors quand des voitures me doublent, toutes fenêtres ouvertes, j’ai tendance à sentir le parfum qui s’en dégage. Florilège des jours passés : tout d’abord, il y a la jeune femme pressée. Celle-là se déplace en Mazda rouge, à la peinture un peu passée. Je dit d’elle qu’elle est pressée car elle me frôle toute vitesse, à m’en faire vaciller. Son odeur à elle, c’est un parfum fruité et acide, elle se rend sûrement au travail, à un rendez-vous. Ensuite, vient le cadre dynamique 2.0. Trentenaire, dans une voiture neuve mais quelconque, son odeur c’est celle de la cigarette électronique qu’il arbore, synthétique. C’est le moins nerveux, car il est en télétravail et se déplace probablement juste pour aller chercher son drive dans le supermarché local, sur ses heures de travail. Le dernier, c’est le bon père de famille. Il conduit avec plaisir, droit dans ses bottes, la grosse merco qu’il a pu se payer grâce aux produits de ses placement car il “pressentait la crise ukrainienne à venir”. Il roule tranquillement, les enfants sont déjà déposés à l’école. Par sa fenêtre, je sens le fumet du cuir neuf mélangé à son after-shave mentholé. C’est mon odeur préférée ; même si je ne souscris pas aux idées du bonhomme, elle a un coté rassurant. Fin de la parenthèse olfactive. Achill Island c’est effectivement magnifique, merci pour la recommandation ! J’y arrive vers 17h, je m’autorise donc à faire un petit tour du sud de l’île car il est encore tôt et je n’ai pas trop roulé. D’énormes vagues se fracassent contre les falaises noire, le spectacle est saisissant. Je m’offre la plus belle descente du séjour, sur une route qui ondule juste au-dessus de la grève. J’arrive rapidement au “camping des grottes aux phoques” (ça sonne moins bien en français). C’est un océan de caravanes et mobilhomes. Si Brassens avait fait du camping, il aurait sûrement dit “ma mère, avec ma petite tente, j’avais l’air d’un con” (je rigole, c’était juste pour caler Brassens, c’est eux qui ont l’air de cons dans leurs boites en plastique). Je pars au -très- petit magasin du coin, où un papy qui a fait la guerre me vend une boite de sardines et des bananes contre quelques livres qu’il me reste et qu’il n’accepte de convertir qu’au taux de change du jour (je voulais faire simple, une livre, un euro ; il est intraitable). S’ensuit une “conversation” à laquelle je ne comprends rien car il parle dans sa barbe. A peine comprends-je qu’il aurait visité la France “avant l’arrivée des américains” (mais quel âge a-t-il ?!). Je m’en retourne bien vite à mon campement pour déguster ces sardines qui n’arrivent pas à la cheville de celles des dieux. Après ce dîner copieux, je me rends à l’hôtel de la plage, où l’on sert le seul consommable peu cher d’Irlande : la bière. La journée s’achève ainsi sur un beau coucher de soleil sur la plage, à la chaleur d’un pub et sous des airs de musique faussement traditionnelle (lorsque j’écris ces mots, on vient de passer à ABBA puis ensuite Supertramp). Demain, plein Sud, peut-être jusqu’à Galway ?
Commentaires
Yann
¡ Hola Ivan ! Tu m’as une nouvelle fois fait voyager, à travers les splendides paysages irlandais et également à travers tes pérégrinations olfactives. J’avais l’impression de les sentir ici :D As-tu vu des phoques dans la grotte ? Ton introduction m’a mis dans la tête la chanson des Négresses vertes 🥰 C’est chouette ! Allez, maintenant, j’attends ton prochain message pour te lire. Encore bon courage à toi, bises
Dad
Hello Ivan, Tu as sans doute pu découvrir un peu la force d’Achill, je pensais que tu resterais une journée supplémentaire sur place, mais je comprends et je sais ce que c’est que d’être accroc… En tout cas les photos sont superbes et j’espère que tu apprécies tous ces paysages ! Aujourd’hui tu vas pénétrer le Connemara, gageons que le parcours suive le trait de côte. Tu vas te régaler !!!! Come on son, Keep kiffing.
Sandrine
Super Ivan ! J’adore ton nouveau récit avec tes digressions olfactives ! Ça mouline là-haut aussi !! 😂 Et bien sûr, je redécouvre avec grand plaisir les paysages magnifiques à travers de très belles photos… Merci également pour ce cliché avec les moutons : je m’attendrissais toujours de les voir en toute liberté sur les chemins, si élégants, avec leur doudoune blanche recouvrant leur fine silhouette noire… Que le soleil soit avec toi encore aujourd’hui !
Moum
Ivan !! Quel bonheur de te lire !! J’ai bien rigolé! Je retrouve le rêveur, les sens en éveil et le petit pas de côté qui rend ta façon d’être et de voir les choses si originale ! “Mon petit poète” disait ton maître (à 8 ans précisément), le seul à revenir avec un bouquet de fleurs séchées sur le sac à dos et une pâquerette derrière l’oreille après une sortie scolaire … !🙂 Ça ne m’étonne pas qu’on t’aborde aisément, ils te prennent pour un p’tit gârs du coin dans les patelins que tu traverses, avec ta petitebarberoussequipousse, et ouiï hé …! Bon, tu es ravigoté par le soleil mais ta capacité à recharger tes batteries si vite pour soutenir un tel effort est encourageante et prometteuse pour tes projets futurs…. ! Je suis impressionnée … Même en appréciant ces paysages fabuleux, ton objectif principal étant de te dépasser, voire surpasser ! tu vas arriver trop vite à Cork à ce rythme! Plusieurs options alors : refaire une boucle dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre, passer la Manche pour un tour complet de la Bretagne par la côte et établir ton record personnel ou rentrer plus tôt “da ger” pour goûter les meilleurs gâteaux bretons, (aux pruneaux!) en vente actuellement sur le marché 😋! En plus tu pourrais écouter de la musique irlandaise (concert mercredi à Penity) puisqu’ apparemment c’est plus compliqué sur place. Mais comme ça serait triste de ne plus pouvoir lire ta Gazette! Ah là! là! , enfin, le choix t’appartient, et je ne me fais pas de souci, ça sera le bon choix! 😎 (Il faut bien que je me démarque du Fan’s club, j’suis ta mère quand même … !🙃)! Alors, de gros bisous et hardi moussaillon! Cap sur le Connemara ! Keep flying!!
Teunteve
Quelle chance Ivan!(enfin bien méritée !)Je suis déjà allée trois fois à Achill island et j aimerais tant y retourner…As tu pu voir le village abandonné à cause de la grande famine?j avais trouvé l atmosphère très poignante.Et ces paysages si magnifiques! Tu vas aborder leConnemara ,ses lacs et ses tourbières et la sky road.Tu vas t en prendre plein les mirettes.. J attends tes prochains messages avec impatience Bises